Népal intime
Pour une exposition de la jeune photographie népalaise présentée par photo.circle et l’Alliance Française de Katmandou à la Fondation Alliance Française de Paris du 5 au 31 octobre 2012
La photographie au Népal a longtemps été l’affaire des photographes officiels de la cour. Une photographie vernaculaire existait en parallèle, mais jusqu’à la démocratisation du médium, elle n’était pratiquée que par une élite ou de rares passionnés. Du reste, dans cet aspect de l’acte photographique, la place du photographe a rarement dépassé celle de l’honnête artisan.
Plus tard, avec le développement du tourisme, vint la rencontre du regard de l’autre. Pour beaucoup de jeunes Népalais, l’image de leur pays s’est construite par le prisme de ce que les visiteurs en montraient, usant obsessionnellement d’un vocabulaire réduit de clichés. C’est l’ère de la photographie exotique où, du Dolpo caché aux sommets de plus de huit-mille mètres, en passant par la Kumari et l’architecture néwar, tout a été catalogué par pléthore de photographes plus ou moins inspirés. Quelques Népalais ont suivi leurs traces avec succès et sincérité, pensant à raison qu’ils étaient aussi bien équipés que les étrangers pour dire les beautés et les mystères de leur pays. Des photographe de presse ont eux aussi, à leur façon, raconté le Népal, mais enfin, il était toujours difficile de déceler derrière ces images quelqu’un qui prenne la parole.
Aujourd’hui les choses ont changé. La guerre civile est advenue, la mondialisation s’impose, l’urbanisation fait des ravages, la pauvreté s’étend, la guerre a pris fin, la monarchie a cédé la place à une république dont la constitution tarde à voir le jour… Il y a beaucoup à raconter. Mais par qui ? Quand des millions de Népalais manifestaient en avril 2006 contre la violence et les pleins pouvoirs royaux, ou lors de l’élection de l’assemblée constituante en avril 2008, la presse internationale est venue voir. Quelques jours. Puis elle est repartie. « Le Népal brûle », titrait le Time Magazine. Mais ensuite, le quotidien de ces bouleversements, qui le dit ? Nous y voici.
Entre autres grâce au travail fédérateur de photo.circle, une jeune génération de photographes népalais est née et a pris conscience de sa force et de sa légitimité à dire les choses. Ils et elles se forment, pratiquent inlassablement, travaillent pour les journaux et développent à côté des projets personnels, remuent les vieux codes du photojournalisme, suivent des stages, quittent le pays, reviennent, connaissent les problèmes posés au Népal par le XXIe siècle, les soulèvent, les interrogent… En bref, ils découvrent la puissance de la photographie comme langage non pas pour dire ce qui est, car ils ont déjà dépassé le mythe de l’objectivité, mais comment ils le voient.
Les temps changent au Népal, cela est sûr, et pas vers plus de facilité. La bonne nouvelle est que ceux qui vont nous raconter comment et pourquoi sont déjà nés. Ils ont trente ans. Ils se sont mis à l’oeuvre avec une grande clairvoyance : ce sont eux qui vous présentent ici leur travail.
Dans une série de portraits frontaux et neutres où l’individu est dénudé de tout signe extérieur d’appartenance à un groupe ethnique ou religieux, NayanTara Gurung Kakshapati se demande ce qu’être Népalais aujourd’hui veut dire.
Sur la frontière chinoise, Prasiit Sthapit documente les enjeux de la réhabilitation d’une ancienne branche de la route de la soie reliant le Népal au Tibet, pour une population agricole qui risque de perdre ses terres dans l’opération.
Enfin dans la série collective Kathmandu, Kathmandu, de jeunes photographes ayant grandi dans la capitale nous racontent comment ils la vivent de l’intérieur.
Ce sont trois histoires, trois visions, conceptuelle, documentaire et poétique. Trois portes d’entrée dans le Népal contemporain.
Photographie: Exposition Népal Intime, Fondation Alliance Française, Paris, octobre 2012
Texte d’introduction de l’exposition commandé par photo.circle.