Par où deux choses travaillent ensemble


À l’été 2018, les éditions Classiques Garnier publient en collection « Écrivains francophones d’aujourd’hui » un recueil de textes consacrés à Arno Bertina sous la direction d’Aurélie Adler. Lorsqu’Arno m’a demandé d’y participer, j’ai choisi de travailler sur trois livres particuliers où le rapport texte-image entre en jeu : La Borne SOS 77, Numéro d’écrou 362573 (parus au Bec en l’air en collection Collatéral en 2009 et 2013), et SebecoroChambord, un blog de résidence disponible en ligne, mais également publié en livre par le Domaine national de Chambord et Ciclic en 2013.

Les premiers paragraphes de ce texte sont à lire ci-dessous. La suite est dans le livre…

 

Notes sur le rapport texte/image chez Arno Bertina, prises à la lecture de deux livres, restituées à la lumière d’un troisième

Rencontre

La photographie et l’écriture sont pour moi des camarades de très ancienne compagnie. Enfant je photographiais. Adolescent j’écrivais et photographiais. Jeune adulte parti voir ailleurs si ce qu’en disait la littérature était vrai, je photographiais et j’écrivais encore. Mon premier livre fut un album de photographies et de notes de voyages rapportées de quatre années de flâneries en Himalaya, dans lequel mots et images disaient d’une seule voix l’émerveillement d’être en route. Le suivant était un livre de photographies seulement encadrées de deux courts textes contextualisant les enjeux des images. Et le troisième, un récit de voyage sans autre image que celle de la couverture.

Si donc écriture et photographie m’ont de longue date accompagné, ce fut jusque naguère en restant chacune dans son rôle. Convoquées pour elles-mêmes elle faisaient leur travail, sans qu’il fût jamais question de me demander ce qu’elles pourraient avoir à se dire l’une à l’autre qu’elles ne se fussent toujours déjà dit chacune à elle-même. La première fois que je me suis interrogé sur les possibilités d’articulation de ces deux modes d’expression, ce fut au retour d’un voyage entrepris pour débrouiller ce que m’avait fait un certain livre : L’Usage du Monde de Nicolas Bouvier – écrivain (mais aussi photographe et iconographe) et livre (co-signé avec le peintre Thierry Vernet) n’ayant pas rien à voir avec l’image. De ce voyage je ramenai à nouveau des images et des notes, mais d’une autre espèce. Entretemps la photographie était devenue le langage principal de mon rapport au monde, et si mon écriture se laissait encore volontiers séduire par celle de Nicolas Bouvier, elle était sans doute un peu moins auto-centrée et un peu plus libre que dix ans auparavant.

À l’heure de transposer cette matière dans un livre, cette question – comment texte et image travaillent ensemble – je l’ai approfondie en compagnie d’une éditrice qui en avait précisément fait la ligne éditoriale de sa maison, Le Bec en l’air. Maison dont Arno Bertina devint comme moi, à la même époque, un auteur fidèle. Ce qui nous valut de nous rencontrer, de dialoguer et de devenir amis.

(…)

 

 


Aurélie Adler (dir.), Arno Bertina, Classiques Garnier, juillet 2018

Arno Bertina, Classiques Garnier


Photographie : Arno Bertina, Autoportrait avec Frédéric Lecloux, Arles, septembre 2014.