Seulement la vérité
Reporter de terrain, Albert Londres (1884-1932) a parcouru le monde pour enquêter, alerter, dénoncer abus et mensonges. Si ses reportages engagés et visionnaires ont assuré la notoriété du journaliste et de l’écrivain, le photographe est resté en grande partie ignoré. Relire Albert Londres, visiter ou revisiter ses images, ou celles des photographes qui l’ont accompagné, c’est faire un voyage aux origines du journalisme contemporain.
Publié par le Bec en l’air fin 2023, le livre Albert Londres et la photographie est à la fois une plongée dans l’histoire du début du XXe siècle à travers celle de la presse, et une réflexion sur le rôle essentiel que joue l’image dans l’information.
Pour accompagner le texte de Hervé Brusini, président du Prix Albert Londres dont il fut lui-même lauréat, j’ai réfléchi à la notion de vérité en photographie, de l’apparente perfection avec laquelle le médium transpose la réalité sur le support photosensible jusqu’au “spectateur émancipé” de Jacques Rancière. En est née une postface dont voici les deux premiers paragraphes. La suite est à lire dans le livre !
« Nous venons de voir Biribi. Ce n’est pas beau. Nous vous apportons le récit de notre voyage. Aucune passion n’animera ces pages, seulement la vérité. » Ainsi Albert Londres introduit-il son enquête sur les pénitenciers militaires d’Afrique du Nord aux lectrices et lecteurs du Petit Parisien, le 19 avril 1924. Plus largement, dit Hervé Brusini, Albert Londres conçoit son travail de reporter comme une mission : celle « de produire et faire vibrer la vérité par tous les moyens ».
Mais qu’est-ce que la vérité ? Voilà des millénaires que l’homme cherche. Cette quête se trouve au fondement de la plupart des philosophies. Mais surtout, une vérité n’est pas l’autre : la vérité des sciences physiques, vraie jusqu’à preuve du contraire, n’est pas celle de l’anthropologie ou de l’histoire, sujette à la mise au jour des sources et à leur interprétation, qui n’est pas non plus celle de la religion. Ni sans doute celle qui nous intéresse ici : la vérité de l’information, et en particulier de la photographie au service de l’information. Sans prétendre en oser une définition, l’on peut supposer a minima que cette vérité repose sur la relation entre la réalité et ce qui en est dit et montré. Et l’on peut présumer que la plupart d’entre nous aimerions que cette relation effectue la plus grande équivalence possible. Lorsque nous nous informons, nous espérons que nous soient rapportés les faits, rien que les faits. Cet espoir rencontre pourtant plusieurs obstacles, liés à la nature même de la presse d’information.