Tension numérique et esthétique de la ruine


Une conversation avec Lucas Leffler à propos du Zilverbeek et de ses autres recherches

Koekelberg, Bruxelles, 11 février 2025

 

Lucas Leffler est un jeune artiste belge utilisant la photographie. Il l’auteur de Zilverbeek 1, littéralement « ruisseau d’argent », un livre qui raconte l’histoire de la pollution à l’argent du ruisseau jouxtant l’ancienne usine de fabrication de films photographiques d’Agfa Gevaert à Mortsel, près d’Anvers.

*

[Frédéric Lecloux] Si j’ai souhaité cette conversation, ce n’est pas pour vous faire exposer une nouvelle fois le processus de travail qui vous a permis de sensibiliser la boue du Zilverbeek. Son explication se trouve aisément en ligne 2. En revanche, ce que je n’ai lu nulle part et qui me semble intéressant de poser au fondement de cette discussion, avant d’aborder les questions écologiques, c’est votre rapport à l’histoire du médium. En effet, les deux séries que je connais de vous ont à voir avec ce que l’on appelle aujourd’hui la matérialité de la photographie, voire, pour la série des iPhones, « Analog Collapse », avec l’histoire primitive de la photographie puisque vos images sont tirées au collodion humide étendu sur ces écrans. Vous êtes-vous toujours intéressé aux techniques anciennes ? Comment cet intérêt a-t-il émergé dans votre parcours ?

[Lucas Leffler] Mon rapport à l’histoire du médium est venu surtout par la technique argentique, à laquelle je ne m’étais pas intéressé de prime abord. C’est une question de parcours. J’avais fait des études de communication, qui ne me plaisaient pas beaucoup. Par ailleurs j’avais découvert de nombreux medias différents. J’aimais beaucoup la photographie et la vidéo. J’ai arrêté la communication et j’ai atterri dans une école de photographie et de cinéma à Bruxelles, l’Inraci [Institut national de radioélectricité et cinématographie, intégré à la Haute école libre de Bruxelles – Ilya Prigogine (HELB)]. La première année était commune. Je suis parti là-bas avec l’idée de faire du cinéma et finalement j’ai davantage accroché à la photographie. Le travail solitaire et la dimension artistique me parlaient plus. C’est peut-être paradoxal parce qu’il y a aussi une façon artistique de faire du cinéma. Mais l’indépendance est plus marquée en photographie. Cela dit, je n’avais aucune ambition artistique. Je voulais être technicien de l’image. Puis, grâce à certains professeurs qui nous ont initié à la photographie contemporaine, à la photographie artistique et documentaire, la photographie m’a plu. J’ai reçu une éducation à l’image et à la pratique de la photographie et du cinéma. Pour revenir à votre question, c’est une des choses auxquelles je ne m’attendais pas en entrant dans cette école, c’est de devoir travailler sur pellicule. C’est le premier exercice qu’on nous a demandé en première année : ramener une planche contact 24 x 36. Je ne savais pas du tout ce que c’était. À l’époque, c’était vers 2012-2013, toutes les écoles étaient passées à cent pour cent en numérique. Très peu avaient gardé les chambres noires, les agrandisseurs, etc. Ce n’est qu’après que les écoles ont commencé à se rendre compte que c’était un peu bête d’avoir jeté ces techniques et ont fait ressurgir leur matériel. Et on pouvait sentir à l’époque que la photographie argentique avait laissé une sorte de nostalgie, en tout cas chez certains ou certaines de mes professeur(e)s. Et moi, je ne savais pas du tout ce qu’était la pellicule. Mes parents n’avaient pas gardé d’appareils ni de diapositives. Je me souviens avoir vu une diapositive pour la première fois de ma vie à dix-huit ans. Et ça rendait toute cette technique et cette industrie un peu intrigante. Et là, avec d’autres, on a commencé à s’initier à ces techniques, au développement de pellicules.

[F. L.] Y compris couleur ?

[L. L.] J’ai directement fait du développement noir et blanc et couleur. Je travaillais dans un laboratoire à mi-temps quand j’étais aux études. C’était un laboratoire numérique. Je scannais mes pellicules là-bas. Je ne faisais pas de tirage en chambre noire. Après coup aussi, je me rends compte que dans les générations plus jeunes, beaucoup shootent sur pellicule. Il y a un renouveau. Mais par contre, la plupart du temps c’est scanné. Il y a peu de photographes qui tirent en chambre noire. C’est pour ça que je trouve intéressant de dire que ce sont aussi les technologies numériques qui amènent les gens à retourner vers ces techniques argentiques. Il n’y avait plus de collodion depuis longtemps lors de l’avènement du numérique. Pendant tout le vingtième siècle très peu de personnes ont shooté sur collodion. Et je pense que le numérique a aussi participé à faire ressurgir ces techniques et d’autres, notamment avec les communautés web.

[F. L.] Pour le meilleur et pour le pire d’ailleurs. Il n’y a pas longtemps j’avais retrouvé des pellicules dans mon frigo. J’étais allé les porter à développer dans un laboratoire à côté de la gare du Nord à Paris, Négatif +, où obtenir ses négatifs est une option à laquelle il faut souscrire. On vous envoie un lien de téléchargement pour récupérer vos images numérisées mais le négatif lui même est potentiellement accessoire. Ce qui semble corroborer ce que vous dites.

[L. L.] C’est pourquoi je préfère parler d’hybridation des techniques que de retour à l’argentique, puisque les images diffusées sont des fichiers numériques qui ont été initialement enregistrés sur film. Donc pour résumer, en étant dans cette école, c’est l’intérêt pour la technique photographique qui m’a amené à m’intéresser à son histoire, qui est toujours une suite de développements techniques.

[F. L.] Et en effet, l’hybridation est centrale dans la façon dont on utilise aujourd’hui par exemple l’anthotype, une des techniques primitives qui reviennent à la mode, inventée par Mary Sommerville et John Herschel dans les années 1840. La communication qui entoure les pratiques contemporaines de cette technique insiste fréquemment sur son écologie, au prétexte qu’elle est basée sur la photosensibilité de la chlorophylle, réputée être « naturelle » et non « chimique » – deux termes dont les acceptions dans le discours commun resteraient à préciser. Pourtant, les photographes et usagers de la photographie concernés se gardent habituellement de dire d’où vient le cliché utilisé pour sensibiliser la surface traitée à partir des végétaux. Le plus souvent il s’agit d’un contretype imprimé sur un support plastique ou celluloïd, ce qui ne relève plus du champ de l’écologie mais de celui de l’industrie carbonée. Il y a donc manifestement hybridation technique. Mais le problème que j’y vois, c’est non pas que le contretype soit issu de l’industrie chimique, mais le manque d’honnêteté de la posture consistant à le taire. Comme si l’l’hybridation était mal vue. Venons-en à l’écologie. Vous avez dit à plusieurs reprises en entretiens que là n’était pas votre propos principal. Vous êtes ainsi le seul artiste que j’ai rencontré dans mes recherches sur la matérialité à affirmer d’emblée de façon claire et honnête que même si vous utilisez de la terre pour faire des tirages ou que vous vous intéressez à des pratiques dites alternatives, ce n’est pas dans une démarche écologique. Je n’ai pas eu l’impression, à vous lire, que ce serait par rejet dogmatique de l’écologie, en tant que faisceau de comportements ayant vocation à amoindrir la destruction du vivant dans laquelle l’humain s’est engagé. Mais alors, pour quelle raison vouloir mettre l’écologie à distance en tant que sujet, ou moteur artistique ?

[L. L.] Je n’ai pas encore bien réfléchi à la manière d’aborder ce problème. Mais souvent en effet, on me dit : « votre procédé est écologique, parlez-nous-en ! Est-ce que vous pensez qu’il y a moyen de développer des pratiques écologiques en photographie ? » Et cela me met mal à l’aise. Bien sûr, c’est un vaste champ aujourd’hui en photographie. Je pense à ce groupe de recherche en Angleterre, The Sustainable Darkroom 3. Ce sont des personnes qui cherchent uniquement à développer un procédé totalement écologique. Je trouve leur démarche intéressante et très juste. Mais ce n’est pas du tout la mienne. Même si certains aspects de mon travail sur le ruisseau peuvent être en lien avec cette recherche écologique, ce n’est pas mon intention première ni ce qui a motivé la création de ce projet. Et le fait de l’annoncer de façon peut-être un peu brute permet de lever d’emblée cette ambiguïté, et d’affirmer aussi qu’on a tous des contradictions et qu’il faut avoir un peu d’humilité, peut-être, vis-à-vis du problème écologique. J’utilise les mêmes chimies que la photographie argentique noir et blanc et je vais pas revendiquer cette pratique comme étant écologique, parce que ce n’est pas le cas.

[F. L.] Je m’étais demandé, quand j’avais découvert votre travail, comment vous faisiez pour sensibiliser cette boue. Jusqu’à ce que je lise, dans un entretien en anglais 4, que vous utilisiez le sensibilisateur Rollei Black Magic, le même qu’utilise mon amie Laurence Halff pour sensibiliser du papier de Daphne et tirer dessus ses photographies du Népal. J’ai lu aussi que pour faire tenir vos tirages verticalement, que vous aviez dû appliquer sur votre support une couche d’accroche à base d’un polymère à la toxicité non neutre. Votre processus est donc en effet loin d’être écologique. Or si ce n’est pas l’écologie, quel est le moteur de ces recherches sur ces sujets tous deux liés à l’histoire de la photographie ?

[L. L.] Ce projet a commencé par une approche documentaire. Le livre, que vous connaissez, existe avant avant les tirages sur boue. C’était l’aboutissement d’une recherche classique mêlant prises de vues contemporaines et documents historiques. Néanmoins, dès le départ j’avais à côté de cette approche documentaire une pratique expérimentale. Je faisais beaucoup de photographies à la chambre 4 x 5, puis je les altérais avec des produits chimiques. Ce qui m’intéressait, c’était la disparition de l’image, parce que cela parlait aussi indirectement de la fin d’une industrie. J’ai vite commencé à travailler avec la terre pour essayer de faire des images. Je l’ai dit souvent : quand je pense à une terre noircie par l’argent, pour moi c’est comme si c’était une émulsion photosensible, qu’on peut donc utiliser pour faire des images, même si c’est un raccourci technique et que dans la pratique ce n’est pas aussi simple.  En fait, cette terre est surtout une sorte d’objet qui permet de refléter et de se replonger dans l’histoire de cette usine.

[F. L.] À la fin de cet entretien en anglais, vous convoquiez sans le dire le mythe de Crusoé. Vous affirmiez qu’un de vos rêves serait de vous retrouver dans un endroit isolé et de devoir faire une photographie uniquement avec ce que vous auriez autour de vous, depuis le papier qu’il faudrait créer à partir des végétaux disponibles en passant par sa photosensibilisation puis à l’image. Vous réaffirmiez ensuite que votre attrait pour une telle situation n’était pas porté par l’écologie mais plutôt par la performance.

[L. L.] C’est vrai, l’aspect performatif du processus est aussi important que le travail final. C’est aussi ce qui fait que les gens y accrochent : c’est l’idée de créer un geste artistique. C’est pareil avec ce rêve, que j’avais un peu oublié d’ailleurs, mais à vous écouter qui me donne envie de retourner à cette idée de faire des images à partir de ce qui pourrait se trouver autour de moi, dans une cabane au fond des bois à la Thoreau. Je crois que c’est aussi une recherche de matérialité, de tangibilité, que j’associe au mouvement low-tech qui a émergé à peu près au même moment.

[F. L.] Avec Gauthier Roussilhe notamment.

[L. L.] Je ne le connais pas.

[F. L.] C’est un chercheur qui s’intéresse entre autres aux enjeux environnementaux du numérique et à l’histoire du mouvement low-tech. Il a publié nombre d’articles 5 et co-écrit un livre sur le sujet 6. Je l’avais beaucoup lu à l’époque où je me questionnais sur les retombées environnementales du maintien en ligne de mon site Internet. Cette réflexion sur ce qui motive votre travail m’amène à la question suivante. Je vous ai découvert en faisant des recherches sur l’histoire environnementale de la photographie. Et, comme vous l’avez rappelé tout à l’heure, beaucoup de personnes dans le milieu de la photographie associent votre travail à une tentative liée à ses enjeux écologiques. Je me demande donc si vous ressentez un malentendu à cet égard et auquel cas, si ce malentendu serait lié à ce besoin contemporain d’écologie en photographie, qu’on constate notamment avec l’engouement pour les anthotypes, ou le collectif que vous citiez tout à l’heure. Vous avez par exemple participé l’année dernière à une conférence animée par Michel Poivert à l’Institut supérieur pour l’étude du langage plastique (ISELP) ici à Bruxelles, où vous vous êtes inscrit en faux contre la dimension écologique que Michel Poivert voulait voir dans votre travail.

[L. L.] Comme je le disais, parce qu’il y a de la terre et parce que ça parle d’une histoire de pollution et on va avoir tendance à me à me contacter pour cette dimension écologique. On va parfois jusqu’à dire que j’ai développé un processus de travail écologique, ce qui n’est pas le cas du tout. Cela me met mal à l’aise.

[F. L.] Mais cela vous intéresse-t-il de prendre la parole pour affirmer que votre projet, ce n’est pas l’écologie, ou préférez-vous répondre au cas par cas quand on vient vous chercher, ou encore, allez vous développer un projet suivant ne prêtant plus du tout au malentendu avec tout un tout projet écologique ? Comment allez-vous faire pour pour vous repositionner à l’endroit où vous souhaitez être ?

[L. L.] Il y a un emballement médiatique à ce sujet, du fait que nous cherchons toutes et tous à ce que nos pratiques soient écologiques, alors que nous sommes pleins de contradictions, ce qui crée beaucoup d’ambiguïté. Une approche qui me plaît beaucoup, c’est cette idée de low-tech. Je ne pense pas qu’il y ait une technique meilleure qu’une autre, qu’elle soit numérique ou argentique. Vous me parliez de la low-tech dans le champ numérique. Pour ma part, ce sont les procédés anciens que j’associe à la low-tech. C’est donc surtout une question d’appropriation des moyens de production : que ce soit en travaillant avec une technique ancienne ou en se contraignant à ne pas toujours céder à l’infinité des possibilités permises par les techniques actuelles, on va vers une forme de ralentissement du rythme, de sobriété dans la consommation d’image et dans la production d’image et de conscientisation à ces égards. Ainsi, même si le procédé que j’utilise est toxique, au moins je suis complètement conscient de cette toxicité parce que j’ai les mains dans les chimies, parce que je la sens. Évidemment, je ne déverse pas les chimies dans l’évier. Je suis conscient de leur danger. Mais je pense qu’il y a un danger beaucoup plus important dans l’invisibilisation et la supposée dématérialisation des technologies numériques, car en les mettant à distance, on met à distance les conséquences de l’extractivisme sur lequel elles reposent. Mais ce n’est pas pour autant que ces techniques sont mauvaises. C’est plus qu’il faut prendre conscience des problèmes qu’elles posent et en jouer. Une des vraies solutions écologiques serait de se réapproprier les moyens tout en gardant conscience de ces questions. C’est ce dont j’essaie de parler quand on me pose cette question de l’écologie. Plutôt que d’essayer de trouver le procédé parfait émettant zéro carbone, je n’ai pas de remord à utiliser un film pour faire mes projets, mais j’ai conscience que ce film est polluant.

[F. L.] Cette idée de réappropriation des moyens est intéressante. Car ce qui me gêne dans ce renouveau argentique, c’est cette impression que le film, dont les prix ont été multipliés par deux ou trois en quelques années, est devenu un gadget de luxe porté par une communication branchée destinée à attirer une nouvelle génération d’amateurs qui ont besoin de se singulariser. Mais bien que cette technique soit présentée comme plus artisanale ou plus authentique, les pellicules sont toujours fabriquées par des industriels. Pas moins qu’en numérique. Tandis qu’avec des procédés comme le collodion, que vous utilisez, certes il faut acheter de la chimie industrielle et on dépend de son pharmacien pour le collodion lui-même. Ce marché-là, quoique plus confidentiel que celui du film, a pourtant lui aussi déjà été investi par une série d’intermédiaires spécialisés en photographie anté-numérique, qui proposent les chimies nécessaires au collodion à des prix deux à cinq fois plus élevés qu’auprès de laboratoires de chimie. En cherchant un peu toutefois, il y a moyen de ne pas s’inscrire totalement dans le circuit commercial contemporain de production de l’image argentique. Voilà une possibilité de se réapproprier, comme vous le dites, au moins partiellement, les moyens de production des images. Cela me fait penser à ce que dit Guy Debord : « L’homme séparé de son produit, de plus en plus puissamment produit lui-même tous les détails de son monde, et ainsi se trouve de plus en plus séparé de son monde. D’autant plus sa vie est maintenant son produit, d’autant plus il est séparé de sa vie » 7. Ce qui m’amène à une question que vous évoquiez dans un court film visible sur Arte 8, c’est la dimension politique de cette démarche consistant à critiquer voire dépasser la numérisation du monde et à se réapproprier ses outils. Avez vous de nouveaux projets en chantier portés par le politique ?

[L. L.] Il y a en effet un enjeu politique dans le fait d’utiliser des procédés ante-numériques parce que j’ai l’impression que nous vivons une sorte de désillusion des technologies numériques depuis une quinzaine d’années, avec peut-être aussi une sorte de nostalgie. L’Internet des années 1990 par exemple est très différent de celui des années 2010. Et je crois qu’on a beaucoup plus de doutes aujourd’hui vis-à-vis des GAFAM et que, de plus en plus, les technologies numériques sont associées au patriarcat, au libéralisme extractiviste, etc. Rejeter les géants de la big-tech pour aller vers des procédés anciens, c’est donc une démarche politique et low-tech, même si comme on l’a dit on peut avoir une démarche low-tech en numérique. J’ai l’impression qu’on associe aussi forcément les procédés anciens à l’écologie parce que cela semble en opposition avec le numérique, ce qui n’est pas tout à fait vrai car ce n’est pas parce que ce n’est pas numérique que c’est écologique. Mais pourtant cette idée est bien là. On la retrouve chez Michel Poivert, avec le titre de son dernier livre où il parle de contre-culturel 9. Il associe toutes ces techniques ante-numériques à une réaction à la culture mainstream du numérique.

[F. L.] Vos prochains projets s’inscriront-ils aussi dans cette dimension contre-culturelle ?

[L. L.]  Je continue à travailler à la production de pièces avec le collodion sur les iPhones. Ce qui implique de rechercher sans cesse de vieux écrans. Autrement, les prochains projets seront probablement moins photographiques. Mais j’ai beaucoup d’idées qui partent dans tous les sens et je n’aime pas trop m’avancer à expliquer des projets qui risquent de changer avec le temps.

[F. L.] Sans les dévoiler, pouvez-vous dire s’ils incluront cette dimension politique, ou votre recherche va-t-elle porter sur autre chose ?

[L. L.] Non, je pense qu’il y aura toujours au centre de mes prochains projets une réflexion vis-à-vis de la technique et de notre environnement numérique. Mes recherches actuelles portent sur la techno-critique dans son ensemble, sans forcément intégrer l’histoire de la photographie.

[F. L.] C’est ce que je sens déjà dans les deux séries que je connais de vous. Et cela m’a fait me demander si vous aviez lu Ivan Illich.

[L. L.]  Non.

[F. L.] Ivan Illich est un des grands penseurs de la critique de la technique, mort en 2002. Il a publié de nombreux livres dans les années 1970. Ce qui m’intéresse ici, c’est la partie de son œuvre, notamment La convivialité 10, où il réfléchit à notre asservissement à nos outils. Pour lui, un outil convivial est un outil qui rend un service plus important que l’effort à fournir pour l’obtenir et le maintenir en état de fonctionnement. S’agissant de nos modes de transport, la bicyclette est l’outil convivial par excellence, contrairement à l’automobile. Pour quelques dizaines d’euros, on peut acheter un très bon vélo en occasion. Une fois ce vélo payé il n’y a plus qu’à huiler la chaîne et changer les chambres à air de temps en temps. Quant à l’automobile, la grande démonstration d’Ivan Illich est la suivante : dans les années 1970 quand paraît son texte, un américain moyen parcourt quinze mille kilomètres par an dans sa voiture. Illich calcule le nombre d’heure qu’il y consacre, que ce soit pour s’y déplacer ou pour travailler afin de payer les mensualités, l’assurance, l’essence, les pneus, les parkings, les péages, les amendes, etc. En rapportant ce temps à la distance parcourue, par une simple règle de trois, il arrive à la conclusion que l’automobile permet à son propriétaire d’avancer à six kilomètres par heure, ce qui est à la vitesse d’un piéton marchant assez rapidement. Pareillement, le fait de dépendre d’un circuit de production des images modernes, qu’elles soient numériques ou argentiques, n’est pas convivial au sens d’Illich. Un autre penseur, contemporain, auquel j’ai pensé en réfléchissant à votre travail, c’est Alexandre Monnin. Il a publié deux livres passionnants 11, où il théorise notamment la nécessité du renoncement, et la notion de « communs négatifs », c’est-à-dire de réalités qui nuisent à la qualité de la vie, n’appartiennent à personne donc à tout le monde, mais dont il est impossible de faire table rase. Par exemple, la pollution aux micro-plastiques ou les déchets numériques. Et comme il n’est pas possible de s’en débarrasser, il va bien falloir, dit Monnin, en hériter. Et en ce sens, votre travail au collodion sur les iPhones me semble participer d’une réflexion, même modeste, sur la possibilité d’hériter d’un commun négatif en le transformant en geste artistique.
J’en viens à une autre question. Toutes les semaines, je continue de prendre ma voiture notamment pour travailler. C’est une contradiction par rapport à la façon dont j’estime devoir agir. C’est extrêmement difficile pour moi de prendre ce véhicule. Pourtant je le fais quand même parce ne pas le faire rendrait ma vie trop compliquée. Ressentez-vous ce genre de contradictions ? Par exemple celle qu’il y aurait à produire une critique d’un état de chose, comme notre dépendance au numérique, que la diffusion de votre travail via Internet participe peut-être à aggraver ? Ou quand vous dites que vous n’avez aucun problème à utiliser la chimie argentique, n’y a-t-il pas malgré tout une petite voix qui vous dit que vous ne devriez pas être en train d’utiliser ce produit, alors que sans lui vous ne pourriez créer l’œuvre que vous avez imaginée ? Comment vivez-vous avec ces contradictions ? Et comme je vous le disais avant l’entretien, ne voyez ni cynisme ni malice dans cette question. Je dois vivre avec cette contradiction entre mon comportement et mes ambitions tous les jours et je m’intéresse seulement à la manière dont d’autres photographes ou artistes la négocient.

[L. L.] Je crois que ça fait partie de la condition humaine moderne de vivre avec ces contradictions, qui nous rendent un peu schizophrène. Mais ces questions sortent trop de mon champ de recherche, même si je les trouve intéressantes. C’est une sorte de travail continu soit pour vivre avec ces problèmes, soit pour les améliorer. J’ai personnellement beaucoup de travail à faire au niveau de mon utilisation des outils numériques, pour utiliser par exemple des logiciels open source. Je suis complètement dépendant des outils de Google et j’aimerais arriver à m’en dissocier. Quand je réfléchis à cette idée de schizophrénies et de contradictions, cela me fait penser à mon histoire personnelle. Mes parents se sont séparés quand j’étais assez jeune et ils ont tous deux adopté des modes de vie très différents. Mon père a rejoint une ferme alternative avec une communauté de personnes cherchant à vivre de façon autonome, en Gaume, dans le sud de la Belgique. Et ma mère avait un mode de vie très classique. Avec elle nous allions faire les courses au supermarché, au McDo une fois par semaine… Nous vivions donc dans une sorte de contradiction au niveau de l’éducation où chez maman on pouvait boire du Coca et chez papa les gens disaient que boire du Coca ce n’est pas bien pour la société. C’est peut-être une situation extrême, mais j’ai l’impression que nous sommes entourés de contradictions en permanence. Et Google est un bon exemple : on n’est pas obligé d’utiliser Google mais tout le monde en a besoin et tout le monde l’utilise même si on sait très bien que c’est problématique… Votre question est très large et je ne sais pas bien comment répondre.

*

[Pendant une brève pause, je regarde des collections d’écrans et trois téléphones posés sur la cheminée avec des photographies individuelles tirées dessus au collodion.]

*

[F. L.] Vous êtes devenu spécialiste du démontage de ces écrans ?

[L. L.] À une époque je les achetais entiers donc en effet j’ai passé beaucoup de temps à les démonter. Maintenant j’en trouve beaucoup tels quels.

[F. L.] C’est beau, le rendu du collodion sur cette surface.

[L. L.] À l’origine je ne souhaitais pas nécessairement travailler au collodion. Je voulais juste imprimer une image là-dessus. Cette technique est venue de façon naturelle et logique en me disant que sur des plaques de verre noir, ça devrait fonctionner. Et ce n’est que plus tard que je me suis dit que l’intérêt de ce procédé c’est qu’il est ante-numérique, oui, mais qu’il date même d’avant l’industrialisation de la photographie argentique.

[F. L.] J’aimerais vous faire parler un moment de la question du sens, et du rapport entre le sens et la forme. Un des constats qui m’ont frappé en réfléchissant et en me documentant sur les artistes qui travaillent dans la matière de la photographie ou qui utilisent les procédés anciens, c’est que souvent le procédé lui-même dépasse voire remplace le sens. Et finalement, le seul fait d’avoir fait des images avec tel ou tel procédé suffit à légitimer l’intérêt artistique alors que l’image en elle-même a peu d’intérêt. Cette mise à distance du sens me artistiquement faible. Et je me demandais comment vous abordiez cette question. Comment avez-vous choisi les images que vous avez tirées sur les boues du Zilverbeek ou sur les téléphones. Quelle histoire le dialogue entre l’image elle-même, le procédé et le support raconte-t-elle ? Vous arrive-t-il d’avoir peur que la technique, que le processus supplante la force de votre message ?

[L. L.]. Le risque que la technique – pour ma part j’aime bien parler de process – devienne plus important que le sujet de l’image est un point important. Historiquement, certains sujets sont liés à certains procédés. On sait que l’anthotypie à l’époque primitive prenait beaucoup des végétaux pour sujet parce que c’était commode à utiliser par contact, ou que le collodion était beaucoup utilisé pour le portrait parce qu’à ce moment-là dans les studios, il prenait la succession du daguerréotype dont c’était l’application principale. Avec le collodion arrive la possibilité d’avoir des temps de pose beaucoup plus courts qui ont certainement suscité un renouveau d’intérêt pour le portrait.

Je réserve pour ma part un groupe d’images très précis pour chaque technique. On m’a déjà demandé si j’allais continuer à développer cette technique de tirage en l’appliquant à d’autres sujets. Évidemment, je réponds que je ne ferai pas d’autres images avec ce procédé. Que ce soit clair : les images sur boue, ce sont les images du ruisseau et de l’environnement végétal et industriel du site. Et j’espère que dans cinq ans je ne pratiquerai plus cette technique et que je ferai entièrement autre chose. Cela n’aurait pas de sens et desservirait tout mon travail de manière générale. C’est pareil pour les photographies tirées au collodion sur écrans de téléphone : ce sont des images de destruction de bâtiments liés au passé industriel de Kodak, en 2007, l’année où Apple sort le premier iPhone. Le lien est là. Il n’y aura pas d’autres images que celles-là tirées de cette manière. Il y a à la fois l’idée d’une série et une technique développée pour le besoin de cette idée. C’est dans ce dialogue entre le support de l’image et l’image elle-même, finalement, que se crée l’œuvre. C’est moins une question qui se pose dans une approche photographique par exemple documentaire où le support n’a pas d’importance et où on imprime les images sur du papier photographique. Bien sûr on peut parler de matérialité du papier de manière très subtile mais ce n’est pas l’enjeu ici. On peut aussi entrer dans une sorte de virtuosité de la technique qui peut prendre le dessus et devenir un travail purement technophile qui va peut-être moins toucher les gens. Je crois qu’il y a aussi un côté aléatoire dans le fait que ces techniques-là, je ne les maîtrise pas totalement, si bien qu’il y a des accidents qui arrivent et font qu’on peut avoir un rapport peut-être plus pictural à l’image. La recherche du sens ne va pas forcément plus loin que ça.

[F. L.] Vous parlez de séries. Il y a là, sur la cheminée, des téléphones sur lesquels vous avez tiré des images individuelles. Et dans la pièce d’à côté il y a un mur composé d’un assemblage multiples d’écrans sur lequel n’est tirée qu’une seule image. Avez-vous travaillé ce support de l’écran de plusieurs manières, y compris de façon isolée ?

[L. L.] Non, ces trois téléphones, ce sont les tout premiers tests que j’ai faits. Je les ai juste posés là parce que je les ai ressortis d’une boîte et que j’avais envie de les voir, mais je ne les considère pas comme des œuvres finies. Ce n’est pas mon intention de produire ce type de pièces par la suite. Je veux continuer à créer des grandes compositions.

[F. L.] Dans vos prochains projets, l’idée va-t-elle venir d’abord d’une question – comme ici, celle de la critique de nos usages du numérique –, à partir laquelle vous allez chercher la technique adaptée ? Ou alors est-ce l’inverse : vous avez l’envie de mettre les mains dans tel type de matière, le désir d’expérimenter telle technique, à partir de quoi vous allez développer votre idée ?

[L. L.] Souvent le projet naît de beaucoup de choses à la fois. Décider à l’avance d’une façon de travailler plutôt qu’une autre ne donne pas forcément les meilleurs projets. J’aime beaucoup faire des choses différentes, y compris en dehors de la photographie, même si je n’ai pas toujours le temps. J’adorerais faire de la fonderie, forger, essayer des choses plutôt sculpturales. Le textile m’intéresse beaucoup. Mais souvent je crois qu’on peut entrer dans l’erreur en se disant : j’ai envie d’expérimenter une technique et puis après on verra bien ce qui va se passer. Et pourtant c’est aussi important parce que c’est en expérimentant même naïvement une technique sans trop savoir qu’en faire que de nouvelles choses peuvent se passer, mais ça prend du temps. En fait je ne sais pas s’il y a une bonne façon de fonctionner. Et je ne sais pas si moi, j’ai trouvé la bonne façon de fonctionner. Mais généralement, ce qui me fait développer des projets sur le long terme – et souvent la technique vient après – c’est plutôt d’avoir une d’obsession, une fascination pour quelque chose. À partir de là, ça passe par faire des recherches tout d’abord, expérimenter des techniques en lien avec le sujet ensuite, même si je les abandonne, ou pas, et que j’en essaie d’autres… Une obsession, une histoire… Par exemple, je peux peut-être dévoiler l’origine d’un projet auquel je vais travailler peut-être dans un ou deux ans. Cela part d’un fait divers qui m’inspire beaucoup, et que je trouve fascinant parce que je ne sais pas comment le cerner. C’était dans les années 2010 je crois. Un homme est entré dans un Apple Store à Dijon avec une boule de pétanque et a cassé des dizaines produits Apple. Je ne sais plus si ses motivations étaient politiques, mais depuis, ce geste m’a fait me poser beaucoup de questions sur notre rapport aux techniques. Cette histoire va probablement ressortir dans un projet.

[F. L.] C’est peut-être particulier à votre génération, je ne sais, mais cette histoire est à nouveau liée à nos usages du numérique, à ce que j’entends comme un sentiment d’être étouffé par les techniques numériques qui nous envahissent…

[L. L.] Oui, je dirais une sorte de tension avec le numérique. Sinon j’ai des idées de prototypes d’œuvres que j’aimerais réaliser. Ce n’est pas toujours de la photographie. Mais je pense que démarrer avec cette sorte d’obsession va plus facilement amener à créer des projets qui font du sens plutôt que – même si c’est bien aussi de suivre ses intuitions –, si j’ai envie de faire du textile, y aller et puis voir ce qui se passe. Même si je viens de la photographie, que j’ai étudié la photographie, j’essaie de moins en moins de me définir comme photographe, mais plutôt comme artiste plasticien, et de plutôt vouloir toucher à tout sans me catégoriser dans une discipline. Mais on me considère beaucoup comme photographe.

[F. L.] Je suis assez sensible à l’usage que vous faites du terme obsession. L’obsession est à mon sens un des grands moteurs de l’œuvre.

[L. L.] Il faut être un peu fou…

[F. L.] Oui, pour passer deux ans de sa vie à essayer de voir si ce cette boue va finir par bien vouloir se sensibiliser. Sans une obsession, au bout de deux semaines on abandonne.

[L. L.] Tout à fait. D’autant qu’il y a aussi la réalité économique qui fait que c’est difficile de vivre sa vie en étant artiste. Cela demande aussi beaucoup d’obsession, de persévérance.

[F. L.] Revenons pour finir à cette conférence de Michel Poivert dans laquelle vous êtes intervenu. Il y convoque plusieurs concepts liés à la manière dont les protagonistes de ce qu’il appelle cette contre-culture de la photographie vont rechercher des traces de l’histoire du médium pour les réimporter, les réaffecter à des usages contemporains. Et en particulier, dans votre série sur les téléphones, il voit la « cristallisation de la notion d’obsolescence comme fondatrice d’un régime d’historicité sur la photographie ». Comment comprenez-vous cette notion d’ « obsolescence » et cette notion de « régime d’historicité » pour la photographie.

[L. L.] Je le comprends comme l’idée que la photographie – et c’est ainsi que je le décris dans mon travail – est un médium né pendant la révolution industrielle auquel on a forcément inculqué ses valeurs d’innovation, d’évolution et d’obsolescence, comme toute la technologie apparue depuis ce moment-là d’une manière générale. La photographie n’est qu’une histoire de révolution technique et d’innovation qui rend la précédente obsolète. Ce n’est pas vraiment le cas des autres médiums comme la peinture, même la technologie peut y être injectée. La photographie, c’est dès le départ une machine qui a vite été remplacée par une série d’évolutions et les usages se sont modifiés en fonction. L’histoire de la photographie n’est que cela, et va toujours continuer à n’être que cela : toujours aller vers des images meilleures ou plus faciles – même si chaque fois, on se demande comment faire des images peut-il être plus facile et les images meilleures que ce qu’elles sont déjà maintenant. Mais je pense que c’est exactement ce que se disaient les daguerréotypistes il y a deux cents ans : on a trouvé la technique qui durera pour toujours. Mais c’est impossible. Et ce que Michel Poivert explique, c’est peut-être cette idée de jouer avec cette évolution : l’obsolescence génère de la ruine et de la toxicité, et moi j’utilise ces ruines ou ces reliques de téléphones qui ne fonctionnent plus ou ces rejets chimiques pour comme support pour parler de cette obsolescence. C’est ainsi que je l’interprète.

[F. L.] Mais dans ce cas, la photographie actuelle n’aurait-elle plus pour vocation que de parler d’elle-même ? N’y a-t-il là un danger qu’elle s’enferme dans cette vision et qu’elle disparaisse ? C’est ce qui est arrivé à la télévision, me semble-t-il, qui ne fait plus que se commenter elle-même. En photographie, si l’évolution du médium pousse cette génération de photographes à utiliser la photographie pour parler de l’histoire de la photographie, n’y a-t-il pas un risque que, dans cette autoréférentialité, elle s’éteigne ? C’est une question ouverte. Je n’ai pas d’avis tranché sur ce point.

[L. L.] Le professeur que j’avais à l’école parlait de méta-photographie, qui serait donc cette l’idée de la photographie faisant référence à elle-même, dans une mouvance conceptuelle. Mais c’est comme un peu l’idée de l’art pour l’art : finalement l’œuvre se ferme à toutes les personnes qui n’ont pas les clés de lecture pour comprendre ce qu’elle est. Si la photographie ne fait plus référence qu’à elle-même, sur le long terme, elle n’existera plus pour parler du monde. Peut-être est-ce une des raisons pour lesquelles je voudrais à l’avenir ne pas faire que de la photographie et utiliser d’autres médiums. Je ne suis pas viscéralement attaché à ce médium, pas du tout.

[F. L.] Face à une photographie, pour moi, la relation ne peut naître que si elle commence par une émotion. La première question qui me vient ce n’est pas de savoir ce que c’est ou comment c’est fait, mais si la photographie déclenche un sentiment, si je me sens absorbé par cette image, si j’ai envie d’entrer dedans… Si je ne sens rien, je passe mon chemin. Si je sens, je m’attarde, et peux commencer à réfléchir. Or j’ai l’impression que dans dans un certain nombre d’œuvres aujourd’hui, l’émotion que le spectateur peut ressentir face à elle passe aussi un peu au second plan.

[L. L.] Donc ce serait trop conceptuel et pas assez sensible ?

[F. L.] Oui. Quelle place le sensible tient-il dans votre pratique ?

[L. L.] Une place importante, bien sûr. J’ai avant tout l’idée de faire des œuvres auxquelles je suis sensible. Et je pense que c’est un point important. Enfin, c’est une question d’ailleurs. Je ne sais pas si c’est censé être important pour tout le monde et sans équivoque, dans l’art en général. Mais moi, il faut que l’œuvre me parle sensiblement. C’est même une condition pour qu’elle soit exposée. Et c’est ce qui provoque cette sorte de mal au cœur quand elle a été acheté et qu’elle doit partir. Quand cela arrive je me dis que c’est que je fais du bon travail. Par contre, j’ai rarement le besoin de me dire que ça plaît aux autres sensiblement. Après il faut aussi accepter que ça ne sera jamais univoque. Je sais que des personnes trouvent les images du Zilverbeek un peu sombres, ou certaines images un peu effrayantes… On n’a pas tous la même sensibilité. C’est donc normal de partir de l’idée qu’il faut surtout que cela plaise à soi-même.

 


1 Lucas Leffler, Zilverbeek, Breda, The Eriksay Connection, 2019
2 Par exemple : Justine Grosset, « Zilverbeek, c’est l’histoire d’un homme qui transforme la boue en argent », Photo Trend [en ligne], 1er novembre 2021. URL : https://phototrend.fr/2021/11/zilverbeek-lucas-leffler-boue-en-argent/.
3 URL : https://sustainabledarkroom.com/
4 « Printing with mud », Alternative Processes [en ligne], 17 mai 2023. URL : https://www.alternativeprocesses.org/post/printing-with-mud.
5 Sa bibliographie est disponible sur son site. URL : https://gauthierroussilhe.com
6 Gauthier Roussilhe, Quentin Mateus, Perspectives Low-tech, Paris, Divergences, 2023.
7 Guy Debord, La société du spectacle [1967], in Œuvres, Paris, Gallimard, coll. « Quarto », 2006, p. 775.
8 URL : https://www.arte.tv/fr/videos/110955-010-A/gymnastique/
9 Michel Poivret, Contre-culture dans la photographie contemporaine, Paris, Textuel, 2022.
10 Ivan Illich, La Convivialité, Paris, Le Seuil, 1973.
11 Alexandre Monnin, Politiser le renoncement, Paris, éditions Divergences, 2023. Alexandre Monnin, Emmanuel Bonnet, Diego Landivar, Héritage et fermeture. Une écologie du démantèlement, Paris, éditions Divergences, 2021.


Photographie : À l’atelier de Lucas Leffler, Koekelberg, 11 février 2025